Pyrine
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Date d'inscription : 19/02/2013
 | | Remember : Prologue | |
Caldwell. L'endroit était intéressant et pas si mal pour une base de repli. Pas l'idéal, mais pas si mal. Avant, ils étaient basés à Londres mais la ville avait pris une telle ampleur et les cibles devenaient rares. Normal. Très normal. La Race avait fini par émigrer massivement au Nouveau Monde. Enfin... Ce n'était massif que parce que cela n'avait pris qu'un tout petit siècle alors que la Glymera en mettait généralement trois ou quatre pour prendre une décision, surtout quand il fallait faire quelque chose d'aussi dérangeant que traverser un océan...
Pauvres tarés.
Caldwell était une cité dortoir qui commençait à peine à faire dans le pavillonnaire. A peine... et grâce à trois familles nobles, parmi les plus « pures » de la Race. Résultat des courses, la Confrérie l'avait détaché, lui, ainsi que le Petit nouveau qui faisait bien quelques centimètres et plusieurs kilos de plus que lui pour un repérage et une protection. Sans oublier que Darius, pour une raison qui lui était propre, avait déjà commencé à investir dans le coin. Et depuis longtemps. Nul doute qu’à plus ou moins court terme, la ville serait un fief vampirique ignoré des humains mais pas des Lessers. Autant prévoir la forteresse avant que ne déferlent les hordes de l’Omega.
En règle générale, un Frère ne se baladait jamais seul, pour éviter de tomber dans une embuscade, mais dans une ville comme Caldwell, c’aurait été aussi utile que de se balader en armure. Déjà qu’il attirait beaucoup trop l’attention avec sa dégaine et surtout son tatouage à la tempe…
Merci papa !
Contrairement au vampire à qui il devait la vie et une vie pleine de souffrances, il n’avait jamais pensé que les humains les verraient comme des seigneurs et qu’ils se conformeraient à leur monde. Déjà trop nombreux pour être mis en servitude de toute façon. Mais ce que le Bloodletter avait oublié, c’est qu’une guerre ne se passe toujours au grand jour mais très souvent à la faveur de l’ombre. Bon, évidement, il avait marqué son fils comme une menace et il voulait que l’avertissement fût visible par tous. Les humains ne comprenaient pas la signification des glyphes qui lui courraient autour de l’œil, mais le simple fait de s’être collé de l’encre sur le visage le désignait comme un marginal, un repris de justice. Impossible d’y échapper, à moins de se coller un pansement à cet endroit pour une discussion de quelques minutes à peine. Le reste du temps, quelques mèches de cheveux et une casquette des Red Sox suffisaient. Et quand il avait Baby Dragoon avec lui, c’était fini. On ne voyait que ces deux géants bardés de muscles dont l’un allumait tout ce qui portait une jupe avec son coup d’œil égrillard inimitable et l’autre dont le coup d’œil ressemblait plutôt à une guillotine au mercure. Il sourit en pensant que l’arrivée des Jumeaux serait un tremblement de terre de plus dans ce coin. L’arrivée de Wrath aussi… Non, au final, il ne restait que Darius et Tohrment pour faire bonne figure aux humains sans les marquer durablement. Quoique… Il faudrait qu’il songe à prévenir Darius contre cette petite humaine qu’il fréquentait… Et puis, il se souvint que quoiqu’il dise, quoiqu’il fasse, le destin suivrait son cours. Sa seule consolation dans tout ça ? L’assurance que son Père avait cramé jusqu’aux os !
La nuit était douce mais pas encore étouffante comme toutes ces nuits d’été finissant. Il aurait pu apprécier si le fond de l’air ne charriait pas son odeur de tragédie et de larmes. Il avait beau savoir que rien ne s’était passé, ses impressions funestes étaient aussi inéluctables que ses visions. Le seul changement était qu’il ne savait pas ce qu’il allait se passer. D’ailleurs, en règle générale, dés qu’il voyait les lumières rouges et bleues de la police, il s’éloignait doucement pour ne pas attirer l’attention. Oh, il ne s’approcherait pas de beaucoup mais au fond de ses tripes, il sentait qu’il devait faire un crochet dans sa patrouille pour voir ce qui excitait tant la populace. C’était important.
L’odeur de la mort, de la peur et de la trahison se sentait à plus d’une centaine de mètres sur le talus où il observait la scène. Quelqu’un était mort et pas paisiblement. Malgré les sirènes des flics en retard il régnait une ambiance sinistre et silencieuse. Quelques ordres passaient ça et là la chape de plomb qui s’était abattu sur ce terrain mais tout le monde ensuite regardait le fautif pour son manque de respect. Oui, quelqu’un était mort et l’impression générale qui lui arrivait en pleine figure était la curiosité malsaine du badaud mêlée à la terreur abjecte du voisin du drame : « Ça aurait pu être moi. »
Aussi la douleur et la culpabilité d’un seul lui paru une lueur de bougie au milieu des ténèbres. C’était d’autant plus fort que ça venait d’en contrebas de sa position à quelques mètres à peine et ça excitait sa propre curiosité. Le cadavre, rien à battre. Il avait vu pire, il avait fait pire, sans doute. Mais rencontrer l’un de ces tueurs humains, ça, ça l’excitait un peu. Il n’avait rien d’un justicier mais comme l’Oméga choisissait toujours ses séides parmi la lie de l’humanité, peut-être qu’il ferait une frappe préventive… Juste comme ça, pour rire un peu.
Ce n’était pas un tueur. C’était un petit garçon d’une dizaine d’années qui se forçait à ne pas pleurer en regardant la scène. Un autre que lui y aurait vu un gamin qui essaye de remporter un pari avec ses camarades pour avoir assisté à la scène de crime et qui au final y aurait gagné des nuits de cauchemars mais la litanie de ses pensées donnait au vampire un autre aperçu de la petite personne qui se tenait debout, les poings crispés et les épaules tremblantes à tenter de contrôler sa lèvre inférieure en la mordant jusqu’au sang. Pauvre gosse.
La litanie faite de « Désolé », « j’aurais du… » et « Janie » en boucle lui apprit tout le reste et le vampire se demandait comment ce gamin dégingandé allait pouvoir survivre avec un tel poids sur les épaules. Lui en aurait été incapable mais son salopard de père avait au moins bien fait une chose : en le traitant comme il l’avait traité, il l’avait privé de tout ce qui aurait amené la moindre émotion en lui. Pas de frères, pas d’amis, rien. Juste un devoir envers la Race qu’il remplissait bien et voilà tout. Certes, il avait du respect pour ses Frères d’armes mais leur disparition, comme celle de Murdher par exemple, n’aurait occasionné chez lui qu’une contrariété suite à l’inévitable changement des affectations. Bon… Peut-être que pour Baby Dragoon, il serait un peu triste. Mais uniquement parce que le géant blond était tellement sociable et facile à vivre que ça déteignait un peu sur tout le monde. Même Zsadist était presque tolérable quand Rhage était dans le coin. Donc, avant, il n’arrivait pas à comprendre la perte d’un être cher. Il fallait que ce soit ce petit bout d’humain qui lui apprenne cette douleur en hurlant avec son esprit ce que ses lèvres refusaient de laisser passer. Lui-même était un habitué de la douleur physique. Il en avait reçu plus qu’à son tour et il en avait donné presqu’autant avec délectation. La douleur détruisait et forgeait. Quand il attachait l’une de ses soumises à sa table, ce n’était pas par plaisir – enfin, pas que…- c’était plus pour voir éclore une nouvelle personnalité débarrassé de toute convention sociale, de toute peur. Une pure existence animale qu’il tenait au creux de sa main et qu’il pouvait à tout moment transformer. Le contrôle d’une destinée. Il lui aurait suffi de quelques gestes pour reconstruire ses soumises selon sa volonté mais il ne le faisait jamais. Il préférait de loin apporter ce soin à ses lames. Elles, elles ne le trahiraient pas.
Cet enfant par contre… Comment dire, il avait l’habitude de travailler les aciers les plus différents pour les marteler et les plier à ses désirs pour forger la lame que lui était. Au final, ses soumises n’étaient que ça : les différentes couches de métal de son être. Elles n’avaient aucune importance individuellement. L’enfant, lui, était un petit diamant qui s’extrayait tout seul de sa gangue de granit. Aucun besoin de frapper comme un sourd, c’était la perte de sa grande sœur qui le taillait à petits coups précis dans son cœur. C’aurait pu être beau, surtout pour un vampire comme lui, mais il n’arrivait pas à trouver ça agréable. Il aurait préféré que ce diamant là reste brut et ça lui faisait mal de voir la taille et le polissage de cette âme en direct. Avec étonnement, il constata que c’était la première fois qu’il ressentait quelque chose pour quelqu’un d’autre que lui-même. Ça aurait du l’effrayer de voir cette petite fêlure sur la dague qu’il était. Mais non… Alors, pour la première fois en 274 ans, il céda à une impulsion et prit la minuscule main de l’enfant dans la sienne.
Le garçon leva des yeux surpris sur lui. Surpris et voilés comme sont les yeux embués de larmes qui ne coulent pas mais il ne s’écarta pas. Peut-être souhaitait-il au fond de son âme que le gigantesque motard l’emporterait et lui fasse subir ce que Janie avait subi… en punition pour ne pas avoir bougé, pour ne pas avoir prévenu leur père que sa grande sœur était montée dans cette fichue voiture, pour ne pas l’avoir sauvée en somme ! Mais non… l’homme se contentait de le regarder de ses yeux de glace et lui offrit même un sourire désolé. Il ne dit pas un mot mais Brian savait qu’il comprenait et qu’en ne disant rien, il évitait tout simplement de prononcer des mots qui n’auraient plus eu aucun sens. Brian eut envie de se jeter contre les jambes gainées de cuir pour s’y blottir et pleurer mais les hommes ne pleurent pas. C’était ce que lui criait son père à chaque fois qu’il recevait sa raclée hebdomadaire. Les hommes ne pleurent pas, les hommes ne pleurent pas…
L’homme retira sa casquette noire au logo rouge et lui cala sur la tête.
- Là-dessous, on te verra pas.
Alors le petit Brian lâcha toute sa peine et sanglota sous la casquette d’avoir perdu la seule personne de sa famille qui ne le regardait pas comme quelque chose d’anormal. Il pleura sa sœur, la seule personne qui fut digne selon lui d’être pleurée. Heureusement que la gigantesque main le tenait, sinon il se serait laissé glisser au sol. Pour le monticule de glace qu’était Vishous, c’était absolument déchirant. Il repensa à un autre petit garçon, un prétrans qui grelottait de froid au fin fond d’une caverne et qui aurait bien voulu qu’on lui tende la main, juste une fois et qu’on le soutienne, juste une fois. Mais pour lui, ça avait été trop demander. Pour justifier son impulsion, le vampire se dit qu’il se tendait lui-même la main. A postériori. Voilà, c’était ça, rien que ça. Une simple façon de se soigner, rien de plus. Et strictement rien à voir avec le curieux sentiment qui lui marquait les entrailles au fer rouge. C’était pour lui qu’il avait de la compassion, pas pour ce gamin paumé et pathétique.
Et puis merde, juste pour une fois se comporter comme un mâle décent… Pourquoi ça lui faisait si chaud au cœur et si mal à la fois ? | |
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Mar 12 Mar - 18:38 par Nutty
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