BLADE PLAY
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JOUER AVEC LE FEU

Ne pas pouvoir le posséder avait toujours été la cause de ses tourments, mais l’avoir désormais à sa merci s’avérait tout aussi douloureux. S’il n’avait pas été aussi attiré par cet homme sur sa table, peut-être que V aurait pu dire non. Si seulement le parfum du flic ne s’était pas déposé dans tout l’appartement, s’incrustant jusque dans les pores de V, il aurait probablement été capable de jeter cet enculé dehors et s’enfuir passer la nuit avec n’importe qui. Même plus la peine d’y penser, à présent.
Fouetter des culs était devenue une véritable routine, mais pas ce cul-là. Pas ce corps-là. Pas ce male-là. Alors que c’était censé être celui qu’il désirait depuis tout ce temps, maintenant que ça arrivait vraiment, V était plus qu’ébloui par les sensations que cela provoquait en lui.

Bienvenue dans le monde merveilleux de la baise, bande d’abrutis. Merci de vous retirer doucement et assurez-vous de récupérer votre récompense à l’accueil avant de nous quitter.

Voulait-il vraiment réfléchir à ce qui était en train de se passer ? En fait, c’était exactement ce qu’il était en train de faire, sa toute première réaction quand Butch s’était dirigé vers la table avait été le refus, mais comme toujours avec le flic, il s’avérait incapable de réfréner sa vraie nature. L’odeur d’excitation qui émanait de lui n’aidait probablement pas, alors qui diable essayait-il de tromper ? Ne voulait-il pas que le flic soit exactement là où il se trouvait à cet instant ? Essayait-il de prétendre que voir Butch attaché ne le faisait pas bander, à la limite de l’orgasme dans son pantalon de cuir ?

Est-ce là qu’ils en étaient après avoir tourné autour du pot depuis des mois ? Malgré ses incroyables capacités et son intelligence hors-norme, V ne l’avait même pas vu venir. Il n’avait jamais osé ne serait-ce qu’imaginer cela, parce que sinon, il aurait fait en sorte que ses fantasmes deviennent réels bien plus tôt. Mais encore une fois, rien de tout cela n’était de son fait, puisque le flic lui-même avait pris les choses en main et s’était allongé sur la table, le défiant du regard. Le cœur de V s’était emballé, tambourinant dans sa poitrine si violemment qu’il aurait pu battre le record de vitesse de la traversée des Amériques.

Prends-le. Prends-le ! Prends le maintenant !

V avança d’un pas, mesurant la distance entre lui et la table, reluquant cette peau nue étalée sous ses yeux. Il posa un regard brûlant sur lui, et il prit conscience qu’il avait perdu le contrôle, comme un affamé au milieu d’un banquet. Son torse se soulevait au rythme de sa respiration, les muscles parfaitement sculptés ondulant sous la peau, puissants et vigoureux. Il n’était ni nerveux, ni haletant, parfaitement sûr de lui.

C’était un test d’endurance. N’est-ce pas ce qu’avait mentionné Butch à un moment donné, convaincu qu’il faudrait moins de dix minutes à V pour se décider ? Misant tout d’abord sur son manque de normalité avant de réaliser pourquoi il était si proche de ses limites, sur le point de les franchir. Et comme il n’y avait pas de meilleur alternative pour V de voir s’évanouir ces nymphomanes qui tourbillonnaient dans sa tête, le flic avait pris cette décision de lui-même, détruisant enfin les derniers fils d’auto-restriction que V s’acharnait à tisser autour de lui.


« C’est ce que tu veux, non ? Alors fais toi plaisir et arrête de tergiverser, bordel ! »

V se souvint de ces mots. Ils trouvaient écho en lui maintenant qu’il s’était approché pour récupérer le holster de Butch sur le sol où il avait échoué, quelque part entre le moment où le flic s’était invité au Commodore et celui où il s’était enchaîné lui-même à la table.
- Tu les fais tous poireauter aussi longtemps ? Je suis surpris qu’ils ne piquent pas un roupillon en attendant que tu t’y colles.
V ne prit même pas la peine de lever les yeux parce qu’il savait ce qu’il aurait vu. Malgré ses mots un peu anxieux, Butch n’était pas du tout nerveux. Il n’était pas impatient non plus et cela accentuait d’autant la détermination de V de prendre son temps. Putain, il avait attendu des plombes, il avait envie d’en profiter ! Même si le flic n’était pas du genre à attendre et discuter, V, lui, l’était. Et il se trouvait tout à fait disposé à le faire, étant donné que plus il observait ce mâle allongé sur sa table de jeu, moins il avait envie de l’y laisser.

- Tu as peur, Butch ?
- De toi ? Jamais.

Ouais, évidemment, il fallait qu’il le défie.

T’as du cran, Butch.

V dégaina l’une des dagues de Butch, soupesant l’arme dans sa paume avant de relâcher le holster sur le sol et de s’avancer encore. A la seconde où Butch aperçut sa dague dans la main de V, l’air se satura de son odeur. Son instinct de survie se déchaîna, submergeant le parfum d’excitation qui émanait de V l’espace d’une seconde, avant que le flic ne reprenne le contrôle de lui-même. Mais cette seconde où il avait perdu son calme suffit à V pour esquisser un petit sourire en coin.

- Tu en es sûr, Cop ?

Il n’obtint pour toute réponse qu’un vague grognement. Un seul putain de grognement de la part d’un type attaché à une table aux côtés d’un sinistre vampire de deux mètres aux faux-airs de Faucheuse, avec cette lame dans sa main. Ouais, arrogant à outrance.
V détourna le regard de la dague pour le poser sur le corps face à lui. Il portait toujours son pantalon de cuir, mais avait ôté tout le reste. Des hanches étroites, les abdos bien dessinés. Ce torse était aussi large que dans son souvenir, bâti aussi puissamment qu’il l’avait imaginé. Et tandis qu’il laissait dériver son regard jusqu’au visage de son vis-à-vis, trouvant dans ses yeux des émotions similaires aux siennes, il s’avança davantage vers lui, sa hanche effleurant le bord de la table. La pointe de la dague frappe le bois tandis qu’il se dirigeait vers l’extrémité de la structure, faisant courir la lame du bois vers la boucle de la ceinture, métal contre métal.

Clic. Clic. Clic.

- Est-ce que tu préfères arrêter maintenant ?

La lame poursuivait son chemin, effleurant la peau au-dessus de la ceinture. L’épiderme était encore intact, mais le flic ressentait vivement les mouvements de la dague sur son corps. Et même si c’était Butch, allongé sur cette table, et même si c’était Butch qu’il désirait depuis un bail désormais, V ne parvenait pas à détacher son regard de la dague qui tournoyait doucement autour du nombril de Butch.

- Est-ce que tu as fini ?
La voix du flic était rauque, comme si quelqu’un lui raclait la gorge au papier de verre, toutefois le débit restait fluide.
- A peine.
- Alors moi non plus.

Oh, cette douce voix s’insinuait dans son esprit pervers, ces mots lavaient ses pensées malsaines, apportant avec eux un flot d’image trop dangereuses pour être révélées. Il n’était pas certain que le flic ait réellement conscience de ce dans quoi il s’embarquait. Ça n’avait rien à voir avec le « toi en moi », l’un prenant l’autre, ce que le mec pouvait attendre de traditionnel. Il s’agissait de V et de ses sombres désirs, quelqu’un qui aimait dominer et tenir les autres en son pouvoir, pour son plaisir. V savait qu’il pouvait se rétracter et tout arrêter, pourtant il n’en fit rien. À la place, il grimpa sur la table et se maintint au-dessus de Butch, sans le toucher parce que s’il l’avait fait, il lui aurait arraché son putain de pantalon dans la seconde, et l’aurait pris sans attendre.

- Tu devrais vraiment réfléchir avant de m’offrir ton cul, dit V en plaquant sa main sous l’aisselle de Butch afin de supporter son poids.

Puis il recommença à jouer avec la dague. Ces putains de hanches était dangereusement proches des siennes, en particulier quand V se positionna, une jambe entre les jambes écartées et enchaînées de Butch et l’autre toute proche du mâle, juste assez pour maintenir V sur la table sans toucher l’autre.

- Je ne réfléchis pas V, pas quand il s’agit de toi.
Ces mots firent sourire V, mais ses lèvres se plissèrent de tristesse.
- Je suppose qu’on est deux dans ce cas, Cop.

Il continua à promener la lame sur le corps du flic, redessinant les muscles, glissant la pointe de son ventre jusqu’au creux de sa gorge, là où battait son pouls. V le percevait aussi fort qu’il entendait le sien, et ce souffle, jusqu’à présent mesuré et contrôlé, s’accéléra tout à coup.

Haut, bas. Inspiration, expiration.

À chaque respiration, la lame s’enfonçait davantage sur le torse de Butch, mais il ne paniquait toujours pas. Il n’essayait même pas de se reculer, de se débattre.
V fit remonter la dague, glissant sur la clavicule, puis sur la nuque du flic, jusqu’à sa mâchoire. Et quand il appuya encore sur la lame, le mec ne broncha pas. Pas un nerf ne bougea, quand bien même V aurait pu lui perforer la peau d’un geste.

- Je pense qu’il va en falloir que plus que ça pour m’avoir, V.

Oh… J’aimerais tellement t’avoir, oui…

- Pourquoi ? demanda V.
Ce faisant, il promena la lame de la mâchoire jusqu’au coin de la bouche de Butch, l’effleurant à peine, mais appuyant suffisamment pour que le flic le sente.
- T’as déjà entendu parler d’un truc appelé « confiance » ?

V garda les yeux rivés sur le métal tranchant, parce que regarder Butch à cet instant précis lui aurait sûrement arraché un feulement.
Confiance.
C’était donc ça ? Il n’y avait rien d’autre qui retenait le flic de s’enfuir ?

Vishous pressa la pointe de l’arme sur la lèvre inférieure de Butch, juste assez fort pour obliger le flic à ouvrir la bouche, sans quoi il lui entaillait la chair. Mais quand ces lèvres s’entrouvrirent, la lame déchira quand même leur tendre surface, et le sang coula, suffisamment pour que le regard de V se trouble quelques secondes.

Oh putain… Cette odeur…

V cligna des yeux rapidement, plusieurs fois, avant de reposer la lame et de s’allonger plus près encore du mâle, pour finalement plonger dans ses yeux noisettes. Il tint la dague entre eux, la surface de la lame sur le torse de Butch. Le sang brillait sur ses lèvres, l’attirant irrémédiablement, cependant peu lui importait à quel point son insatiable de queue l’y poussait, V ne lâcha pas Butch du regard, y cherchant presque désespérément les bribes ce qu’il pouvait ressentir.

- Alors dis-moi, Butch…, murmura V en se penchant vers le flic, l’odeur de son sang, de sa peau, le rendant à moitié fou. À quel point as-tu confiance en moi ?