Laboratoire désaffecté.



Qhuinn émergea doucement de son sommeil. Il avait froid. Il cligna des yeux pour s’habituer à l’intensité lumineuse de l’endroit où il était. La pièce sentait le désinfectant, l’eau de javel et du sang. Il regarda autour de lui et constata qu’il était couché, nu, sur une table de fer. Mains et pieds attachés. Il se souvenait maintenant. L’attaque dans la rue, la piqure, le cadeau de Blay.

Blay! Putain, où il est?
Qhuinn espérait qu’il ne soit pas ici, dans cet endroit. Sinon il s’en voudrait, s’il lui arrivait quoique ce soit.

Il regarda autour de lui, la salle était un bloc opératoire. Comme celui de la confrérie, mais en plus crade. Les carreaux qui recouvraient les murs étaient d’un blanc jauni par le temps et fissurés de partout. De même que le sol. Il essaya de se dégager de la table, mais ça n’eut que pour seul effet de faire un boucan. Ça résonnait de toute part.

- Eh bien ! Eh bien ! Enfin tu te réveilles.

Il reconnaissait cette voix. C’était celle qui lui avait donné la morphine.

- ENFOIRE !!!! Vociféra Qhuinn. LIBERE MOI, SINON…

- Sinon, quoi ? dit le mort vivant, d’un ton nonchalant. Alors ?

- Sinon, ils viendront tous vous défoncer.

- Qui ça, « ils » ? Vos camarades ? J’en doute fort. Mais si vous y croyez. Alors maintenez cette croyance. Ah oui ! je vous ai enlevé tous vos attirails superficiels, même ceux qui se trouve sur votre pénis. Ils nous sont d’aucune utilité. A part fausser mon opération.

Qhuinn tenta de briser encore une fois ses attaches en grognant à plein poumon.

- Inutile ! vous êtes attaché solidement sur cette table et aucune fuite n’est possible, voir envisageable.

- Bordel ! qu’est-ce que vous voulez de moi ? lança-t-il avec un regard haineux.

- Tout.

Il resta interdit. Putain sérieusement, qu’est-ce qui allait se passer pour lui ? Ce lesser semblait être différent des autres.
Il regarda ses moindres fait et gestes. Il le vit prendre une seringue qu’il remplissait d’un produit inconnu. Ses yeux imparfaits ne lui permettaient de mieux voir les couleurs. Il était daltonien et ce fut un très gros en handicap durant toute son enfance.

- Vous comptez faire quoi avec ce produit ? dit Qhuinn pour gagner du temps. Vous n’êtes pas comme les autres lessers. D’ailleurs, je me demande si vous en êtes un ?

- Lesser ? ce mot me dit quelque-chose (il déposa l’aiguille sur le guéridon). Humm, je crois que c’est comme ça que vous appelez les gens de ma catégorie. (il prit une autre aiguille sur le plateau et la rempli d’un autre produit) Alors oui, j’en suis un. J’avoue qu’on ne sent pas la rose et que notre anatomie est hors d’usage mais (se tourne vers lui), au moins on peut y faire ce qu’on veut.

La respiration de Qhuinn se fit de plus en plus hachurée. Il n’avait qu’une hâte, c’était de rabattre son caquet à ce blanc bec. On ouvrit brutalement les deux battants d’une porte, Qhuinn tourna la tête et vit le gaillard avec qui il s’était battu plus tôt. Les deux ne se lâchaient plus du regard, plein de colère et de rage. Les morts vivants discutaient entre eux, il ne pouvait pas entendre ce qui était dit. Il laissa sa tête tomber lourdement sur la table. Cela lui fit un mal de chien mais n’en dit pas mot. Puis des pas quittèrent la salle, d’un coin de l’œil il aperçut l’autre chef des lessers en activité devant un tas d’ustensile. Pour la première fois de sa vie, Qhuinn prit peur.

- Oh je suis impoli. (Il prit un bistouri et s’approcha de lui) Je me présente : E. Je me rappelle plus de mon nom d’origine. Cet homme, cette chose, a pris mon identité et mon … (montra sa poitrine) cœur par la même occasion. Et toi ?

- Va te faire foutre, salaud !

- Eh bien ! commençons (il sourit puis mit son masque de chirurgien et enfila des gants)

Qhuinn ouvrit ses yeux avec effroi quand il vit que la lame se rapprochait dangereusement de lui. Il se débattit comme un beau diable sur la table froide.

- N’approchez pas votre foutue lame de moi !!! hurla-t-il. BORDEL NON !!!! AAAAAAHHHHHH !!!!!!

La lame du bistouri perça sa peau blanchâtre et une coulée de sang se fit sentir. Qhuinn hurla à mort lorsque E fit descendre le long de sa poitrine la lame, le découpant avec une lenteur et une agilité incroyable. Qhuinn était réveillé. Oui, il l’était puisqu’il sentait la douleur. Bordel ! Bordel ! BORDEL !!!!!! Il ne pensait pas mourir ainsi, du moins, pas comme cela. Il sentit des gouttes lui couler sur le visage. Putain, c’est la première fois qu’il pleurait face à un tel danger. Il continua à hurler à plein poumons quand E fini par l’ouvrir. Ce dernier ne faisait nullement attention à ses cris, lui, continua sa manœuvre chirurgicale.

- Bien, bien… voyons voir ce qu’il y a à l’intérieur. (il prit une pince et l’ouvrit) Hum… cœur, estomac, intestin…. Ah ! côtes cassés… trois pour être plus précis. (il regarda Qhuinn) je vais vous le réparer.

Il prit une petite scie et l’alluma. Le bruit fut effrayant. Qhuinn pleura

- NON ! NON ! NO …. AAAAAHHHHHH !!!!!

E avait coupé un os brisé, puis un second.

- Bordel de merde !!!!! pleura Qhuinn . Mais qu’est-ce que vous m’avez fait !!!

- Rien du tout, et arrête de bouger sinon je risque de couper un organe vital. Chose que je ne veux pas qui arrive.

Il continua sa manœuvre.



- Et voilà ! la dernière côte (il lâcha l’os dans une bassine métallique avec les suivantes) tu devrais aller mieux ainsi. Bon, j’ai pitié de toi vampire. Je vais te refermer. Tes organes sont tout ce qu’il y a de plus normal, comme les autres d’ailleurs.

Qhuinn fit un effort surhumain pour affronter son tortionnaire.

- Les autres ? d’un ton rauque et faible

- Oui, les autres. Vous autres, créatures abjectes, indigne de la société. Vous autres suceurs de sang.

- Vous êtes quoi ? souffla-t-il difficilement.

- Je suis un homme de science. Je suis E, lesser de son état.

- …. Je suis Qhuinn…. soldat de la confrérie….celui qui va te buter connard !

E le regarda avec un sourire pseudo-amical. Quelle illusion. Il tira sur le guéridon et prit du coton et commença à le recoudre. Qhuinn se sentait mal, il avait terriblement mal. Quelques instants plus tard, le gorille revint avec une chaise roulante. Il détacha Qhuinn et le mit sur le fauteuil roulant sans précaution. Les bandages mis sur son corps s’était déjà imprégné de sang.
Il était si fatigué.
Le gorille le conduisit dans une chambre dépourvue de fenêtre. Il y avait un lit dont les draps étaient sales. La chambre en elle-même était sale. Sombre et mal éclairée. L’éradiqueur le mit dans son lit sans ménagement et quitta la pièce. Il attendit son départ pour se remettre à pleurer.

- Blay…. Mon amour, dit-il entre deux hoquets

Il se recroquevilla malgré la douleur. Il s’en fichait. Il voulait simplement son pyrocant. Son Blay.



Les séances des tortures recommencèrent de plus belle le lendemain. E ré-ouvrit la blessure de la veille. Il examina chaque parcelle de ses organes : les soulevant, les déplaçant, les coupant et les recousant par la suite.

Il lui fit passer une batterie de test les jours suivants. Qhuinn devait courir sur un tapis roulant durant de longues heures sans manger avec pour seul aliment : de l’eau. Il lui fit aussi des prises de sang pour comprendre leur système incendiaire au contact du jour. E fit son apparition dans sa chambre.

- Bien il est l’heure ! Prenez-le. Nous allons faire une balade.

Cette fois, ce n’était pas B, mais d’autres hommes qui étaient présent avec lui. Ces derniers le prirent et le trainèrent dans une autre salle qui était sombre. Ils le firent s’assoir sur une chaise et l’attachèrent solidement. Qhuinn commença à ne plus avoir de force pour se défendre. Il ne savait plus depuis combien de jour il était prisonnier.

- Qhuinn, regardez moi.

Il leva sa tête et regarda l’ombre de E

- Nous allons continuer avec les tests. Cette fois, on va tester vos capacités de résistance au soleil.

E s’éloigna de lui et se plaça devant un « mur ».

- Voyons voir ce que ça donne. Ouvrez les rideaux ! Ordonna-t-il

Les rideaux furent tirés laissant la lumière s’infiltrer dans la pièce. Qhuinn hurla de douleur. Sa peau commença à bruler. Une odeur de chair calcinée envahit la salle.

- Fermez les rideaux. Dit-il en s’approchant de Qhuinn

Le corps de Qhuinn se crispa sous l’effet de la douleur. Il s’agita autant que possible comme pour fuir à cette douleur. Mais impossible. Ses crocs s’étaient allongés à son maximum.
E prit un produit qu’il passa sur lui par endroit. Il remarqua que sa victime guérissait a vu d’œil.

- Magnifique... On recommence, ouvrez les rideaux !



Et ceci reprit de plus belle, encore une fois, puis une autre et encore une autre. A petit intervalle. Au bout de quelques heures. La pièce avait une odeur nauséabonde et insoutenable. E l’amena dans son bloc opératoire et se remit à le soigner. Ses brulures étaient importantes mais par expérience, il utilisa des produits contre les brulures pour voir l’effet produit sur lui.
Visiblement, cela créa de vives douleurs sur lui mais sa peau reprit une couleur convenable quelque peu rougi. Il était ravi par sa découverte. Les autres vampires ne résistaient pas aussi longtemps. Ils mouraient tous rapidement.

Qhuinn fut ramené dans sa chambre recouvert de bandage. Il clignait à peine des yeux. Il parlait à peine. E lui avait administré de la morphine pour le calmer et le maintenir en vie, il le fallait. Qhuinn ferma ses yeux et une image lui vint aussitôt à l’esprit. Blay.

Il était là, près de lui, souriant comme à son habitude. Il lui tenait la main. Et l’embrassait. Soudain, Blay s’éloigna de lui pour se retrouver avec Saxton. Qhuinn l’appela de toutes ses forces mais rien n’y faisait. Sa voix ne portait pas. Il courait dans leur direction mais ils étaient loin devant lui. Il revit son ancienne famille. Les horreurs dites sur lui. Sa tare. Sa malédiction. Son bannissement. Puis revit le crime qu’il avait commis sur son ancien cousin Lash. Couteau en main, la gorge tranchée, le sang qui coulait à flot. En levant ses yeux, il vit le visage effrayé de John. Les frères. Nom de dieu, ils le regardaient avec dégout et ils perdirent toute confiance en lui.
Oui, il méritait de mourir seul. Il n’était qu’un bon à rien.

Quelques jours plus tard, on vint le chercher dans sa chambre et le conduisit dans le bloc opératoire. Qhuinn n’avait pas ouvert les yeux et sa respiration se faisait très lente. E lui enleva ses bandages et donna une petite décharge sur les hanches, ce qui avait pour but de vérifier s’il était mort. Qhuinn poussa un cri.

- J’ai cru que vous étiez mort Qhuinn. On continue ?

- Tuez …. Tuez-moi… finit-il par dire à bout de forces, d’une voix faible. Tuez-moi !....

- Non. Non, Qhuinn. J’ai encore besoin de toi. Tu sais… je peux te tutoyer ? (pas de réponse) tu sais, je suis bien content d’être tombé sur toi finalement. Tu es plus résistant que tous ces autres créatures. (il se dirigea vers le chariot et prit une seringue rempli d’un produit de couleur noire) ils étaient faibles. Aucune résistance. Alors que toi (revenant vers lui) tu as réussi tous mes tests. Avec bravoure. Bravo. Maintenant (il lui souleva le bras), il est temps de passer à l’étape supérieur.

Qhuinn était pris de panique, malgré son handicap, il s’avait à quoi correspondait les couleurs vives et les couleurs sombres. Surtout ceux des éradiquateurs.

- Pitié noooonnn…. Supplia-t-il.

- Il le faut, dis-toi que c’est pour la science.

- Nooooonnn !!!!!

E lui planta l’aiguille dans la veine car Qhuinn ne pouvait plus bouger. Une fois le piston vidé, il en reprit un autre et recommença l’injection. Au bout de la quatrième piqûre, il arrêta. Qhuinn avait cessé d’hurler. Il respirait de façon entrecoupée. Fatigué. Sur le point de mourir.
Et pourtant, E le maintenait en vie. Et cela dura toute la journée. On le ramena dans sa chambre avec une perfusion de sang de noir au bras. Qhuinn ne pensa plus à rien. Il était comme vidé d’âme. Il avait perdu tout espoir d’être sauvé. Les frères l’avaient oublié, il avait été un piètre gardien pour John et Blay a refaisait sûrement sa vie avec son cousin. Une larme coula du coin de son œil et ce fut l’une des dernières.

Une semaine s’écroula. Qhuinn continua à subir les expériences de E comme un rat de laboratoire. Son cœur avait lâché par deux fois et à chaque fois, il fut réanimé.

De nouveau, il se retrouva dans le bloc opératoire. E regarda avec attention les analyses médicales. Humm le changement du groupe sanguin, sa masse musculaire s’était quelques peu dégradée mais rien d’alarmant du point vue du scientifique fou, mais un point restait obscure à la situation : ses yeux. Avec tout ce qu’il lui a fait, ses yeux restaient les mêmes, il fallait remédier à cela. Il s’approcha de la table d’opération où était allongé Qhuinn. Ce dernier l’observa à son tour. Aucun des deux ne prononça de mot. E prit un écarteur et le plaça à la paupière de Qhuinn. Il le fixa de façon à ce que son œil reste ouvert. Et répéta l’opération de l’autre côté.

- Ça vous suffit pas comme ça…

- Ne vous inquiétez pas. Je suis sur la bonne voie. (il finit de serrer) Voilà, c’est fini.

Il prit la seringue qu’il remplit du sang de lesser. E approcha l’aiguille de son œil. Qhuinn trouva un peu de force pour repousser la seringue qui se brisa au sol.

- Nom de dieu ! BBBBBBB !!!!! vociféra E

B apparut à l’embrasure la porte.

- Maintient-le (B s’exécuta). Maintenant, tu vas rester tranquille Qhuinn

- Non !!!

Il bougea autant qu’il le pouvait avec son corps si frêle. Il avait perdu de son corps musclé. Il se débattit autant que possible mais B lui maintient la tête.

- Lâchez-moi ! putain lâchez-moi !!!! grogna Qhuinn



L’aiguille s’approcha de son œil, ses crocs sortirent avec force au point de se couper la lèvre inférieure. La pointe piqua son iris. Une douleur immense le prit. E continua sa transfusion dans l’autre œil, puis desserra l’objet et d’un signe de tête, B le relâcha.

Qhuinn en devenait fou de douleur. Il enleva avec force l’appareil dans son œil et hurla à mort dans le bloc. Il jeta tout ce qu’il trouva sur son passage : appareil respiratoire, plateaux métalliques, mobiliers. Il se blessait sans s’en rendre compte. Mais lui, il s’en fichait.

- MES YEEEEUUUXXXX !!!!!!! AAAAAAAHHHH MES YEUUUUUUXXXX !!!!!!!



Il ne voyait plus rien, il ne vit pas non plus la seringue lui arriver dessus. Il se calma aussitôt mais ses larmes continuèrent à couler sur ses joues. B le ramena dans sa chambre. Et quelques heures plus tard, les piqûres recommencèrent. E lui mit des bandages sur les yeux une fois fini.

Le lendemain, E revint dans sa chambre et lui retira les bandages. Puis se leva pour quitter la chambre. Et avant de partir il déclara :

- Vous allez vous voir Qhuinn et vous aimez. Je suis fière de ma réussite. Certes longue mais fière de moi.



Qhuinn était tremblant. Mais une chose était sur : il n’était pas devenu aveugle, et de plus il pouvait distinguer les couleurs parfaitement. Qhuinn redouta ce moment. E avait dû laisser un miroir sur son lit. Il le prit et se regarda.

- Non ! pas ça !!!... pourquoi ? POURQUOIIII ????

Il balança le miroir contre le mur qui se brisa en mille morceaux. Le destin avait voulu ça… et il avait réussi.